mes doux pétales argentés
dans ce texte —
TW : violence, agression sexuelle
J’ai passé ma vie dans le gris.
Paris accueille mes doux pétales argentés. Ils glissent le long de mes joues. Seuls témoins des mains qui touchent, des corps qui se frottent, des doigts qui caressent sans avoir le droit de caresser.
L’allée est sombre.
Paris la nuit, c’est vide. Vide des engueulades des couples le matin. Vide des sourires d’un après-midi entre copains. Vide des baisers dissimulés en fin de soirée.
Paris la nuit, c’est morbide. Ça laisse sortir les fous. Ceux qui ont du sang sur leur jean. Une bouteille d’alcool dans le poing.
Mes pieds frôlent les pavés. Ça pique un peu, parfois. Douloureuse sensation que procurent les bouteilles de bière une fois brisées. Je laisse derrière moi une traînée de sang. Goutte après goutte, j’avance. Les immeubles autour de moi. L’immensité de cette grandeur luxueuse qu’on oublie trop vite une fois minuit passé.
Mon oreille droite capte trois notes de guitare. Ça résonne contre les murs tagués. Ça percute les graffitis pour venir se coincer jusque dans le creux de mes tympans. C’est la musique d’une soirée non terminée. De celles qui vous gardent en sécurité.
Les grilles devant la bouche de métro m’indiquent que mes pieds n’ont pas fini de saigner. C’est regrettable. Je commence à avoir mal. Jusque là, la douleur qu’éprouve mon cœur et embrouille mon esprit a empêché mon cerveau de saisir la souffrance que le sol parisien prend plaisir à m’infliger.
Le bus, ça semble une bonne idée. C’est rapide, efficace. C’est ce qu’ils mettent sur les prospectus ratp. Mes pieds salissent le sol du véhicule.
Paris la nuit, c’est ça. Les flammes des mégots de cigarettes qui n’ont pas fini de s’éteindre, l’haleine des hommes aux mains baladeuses, les cris des femmes qu’on a oublié de raccompagner et les chauffeurs de bus qui font semblant de ne rien voir.
Ça rigole gras tout autour de moi. Ça s’invite là où il ne faudrait pas.
Je descends gare Montparnasse. L’horloge affiche trois heures. Les yeux sont fatigués d’avoir trop vu et les lèvres épuisées d’avoir trop reçu. Et ce n’est pas la pluie parisienne qui trempe ma peau, mais bien ces doux et cruels pétales argentés qui glissent le long de mes joues.
Si vous êtes victime d’agression, ou si vous connaissez une personne en danger, parlez-en. L’écoute sauve des vies.
Numéro national d’aide et d’écoute aux victimes : 3919
Création originale. Tous droits réservés. ©Timothée Cueff
Toute copie est une violation du droit d’auteur, et est punie par la loi.
Consulter les mentions légales.