décorer le sapin
Le parfum de sève remplit la salle d’attente du cabinet de médecins, comme il emplissait, au bout de la rue, le hall du PMU, et, encore une fois, le seuil de la petite boulangerie près de l’église. Une nuée de sapins, tristement dénudés, dans chaque boutique, chaque entrée, chaque local, chaque pas de porte, chaque commerce, chaque vitrine, dans l’attente d’être décorés.
Au bar-tabac, le gérant a dit « on le fera mardi ». La bouchère a répondu « on s’en occupera ce soir ». Le secrétariat du cabinet de dentistes a assuré que « ça sera fait avant la fin de semaine ». Et sur le parvis de l’église, on a promis que « ce sera bien sûr réglé avant Noël ».
On croise, en attendant, des arbres sans vie, coupés pour être habillés, mais finalement, qu’on oublie dans un coin, parce que « j’ai pas le temps, moi, monsieur, faites-le si ça vous fait plaisir ! » en poussant dans vos bras un carton de vieilles décorations – déprimantes, fêlées, ou même cassées – qui semblent être réutilisées chaque année depuis probablement cinquante ans sans aucune considération pour le pauvre sapin mort qui se voit les porter.
Il te fait presque la tête lorsque tu te postes devant lui – le regard compatissant.
Mais, quand la boîte est finie, c’est presque pire : les deux misérables guirlandes ne font pas un tour complet, les trois boules tirent la gueule, et on a bien précisé « ne mets pas la guirlande lumineuse, ça consomme de l’électricité ».
Tu lèves les yeux au ciel, petit sapin aussi, car juste à côté, la vitrine, elle, s’est vue donner le droit de sur-briller – petite injustice des fêtes de fins d’années.
Calendrier de l’avent & de mots. N°4.
Thème : décorer le sapin
272 mots.