©TimothéeCueff

Cette nuit, le poêle grésille et la fontaine à eaux des chats ronronne.
Et derrière ce grésillement et ce ronronnement se cache le silence. Un silence que j’essaie d’occulter en y collant des sons de vaisselle empilée dans l’évier, d’émission radio ou télé et de chats mâchant leurs croquettes, des voix et des bruitages, et un peu de musique aussi, parfois.

Les deux petits chats se sont endormi.e.s. L’une sur le fauteuil ; l’autre sur l’accoudoir.
Plus je les observe, plus je sens mes paupières me tirer, elles aussi, vers le sommeil.

J’ai le corps lourd et la tête pleine.

Si j’étais chat, je m’endormirais sans doute là, doigts sur clavier et menton posé sur genoux. Le dos légèrement courbé et les muscles tendus. Mais si j’étais chat, bien sûr, la position qu’est la mienne maintenant serait de tout confort (je t’assure qu’elle ne l’est pas du tout dans mon état d’être humain).
Si j’étais chat, je ne culpabiliserais pas sur les longues journées passées allongé quelque part, à observer une chose, puis une autre. Ce serait normal, voire peut-être mignon.
Si j’étais chat, il y aurait probablement quelqu’un, avec moi – ou d’autres chats – pour me tenir compagnie, me couvrir de caresses, jusqu’à me parler sans que cela ne m’intéresse.
Si j’étais chat, le confinement, crois-moi, serait bien meilleur à vivre.

En même temps, si j’étais chat, je ne m’occuperais pas de mes deux chats comme je m’en occupe maintenant.
Aussi, si j’étais chat, je ne verrais pas mes deux chats dormir paisiblement, je n’envierais pas leur capacité à roupiller sur n’importe quoi et à n’importe quelle heure, et l’idée d’écrire un texte sur mon envie d’être autre chose ne me viendrait absolument pas.
Par ailleurs, je doute que les chats envient nos positions d’humain.e.s.

Bon, tu l’imagines parfaitement, je suis contraint de rester qui je suis, afin de pouvoir m’imaginer être autre chose. Ce n’est pas si grave ; on va faire avec.
Je me console avec quelques câlins félins et finis de résister à l’appel du sommeil.

J’ai la tête pleine et le corps lourd.

Les deux petits chats viennent de se lever et de monter l’escalier. Iels me regardent, leurs têtes coincées entre les barreaux de la rampe. Comme pour me demander de les suivre et de quitter la nuit pour en atteindre une nouvelle, sans grésillement ni ronronnement.

Simplement le silence derrière les rêves.

À la nuit prochaine,
Tim.


Billet n°11
Nuit du 16 au 17 novembre 2020

Derrière cet article se trouve Timothée Cueff, auteur et poète slameur aux envies d’aventures. Depuis 2023, il parcourt la France et l’Europe en quête de poésie, à bord de son van aménagé, irys.

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