À toi qui lis ce soir, laisse-moi te raconter une histoire.

©TimothéeCueff

Une nuit, un enfant entend sa mère crier après lui. Pourtant, l’enfant n’a rien fait de mal ; au contraire, on dit de lui qu’il est plutôt calme. Comme beaucoup d’enfants, il joue avec les jeux de son âge, dans sa chambre, en attendant l’heure du dîner.
Il n’a pas franchement d’ami.e.s à l’école. Il est seul, mais la solitude, ce n’est pas un problème pour lui, parce qu’il a sa maman et qu’ensemble, ils vivent une vie paisible, dans une petite maison sur le haut d’une colline.
Mais cette nuit-là, sa mère l’appelle. Sa mère crie ; elle hurle même. Et l’enfant ne comprend pas pourquoi, alors il ouvre la porte, et c’est avec surprise qu’il découvre sa mère, debout et droite dans l’encadrement de la pièce, un couteau de cuisine à la main.
L’enfant, qui est extrêmement malin, n’attend pas. Il fait un bond en arrière, jette ses cubes et ses peluches, soulève le tapis et ouvre la trappe dissimulée juste en dessous, parce qu’il faut dire que le monde est extrêmement bien fait.
Et le voilà, coincé quelque part dans la cave, sans rien pour se repérer. Il entend sa mère qui hurle au-dessus. Elle cogne et elle cogne sans relâche sur le parquet. Par chance, elle est un peu trop large de corps pour passer et ça laisse suffisamment de temps à l’enfant pour s’échapper plus loin.
Ce n’est que lorsqu’il se retrouve caché dans un coin qu’il se met à sangloter. Il pleure tant que ça couvre les murs et le sol. Et plus il pleure, plus des choses autour de lui se mettent à bouger, jusqu’à courir à sa rencontre.

Et c’est là que j’interviens.
L’enfant s’appelle Isaac. Un enfant que j’ai suivi durant plus de 1 283 heures de jeu.

Isaac, c’est un peu mon remède contre la solitude. Alors, tu me diras, je n’ai pas une mère psychopathe qui cherche à me tuer, mais comme Isaac, j’ai tendance à beaucoup (beaucoup) pleurer sur les monstres de mon passé. Tant mieux, en fait. C’est sain de se laisser aller. Et puis, si les larmes peuvent en massacrer quelques-uns, autant creuser plus loin, non ?

Si tu me connais, tu m’auras déjà vu jouer à ce jeu et tu te demanderas sans doute pourquoi cela m’a pris tant de temps pour t’en parler. Parce que soyons honnête, je ne fais que ça de mes journées.
Alors, voilà, on y est.
Tu seras très heureux d’apprendre qu’Isaac a encore une fois battu maman à quatre reprises aujourd’hui. Entre larmes acides, rasoir tranchant et laser télépathique.
De quoi faire de mon écran d’ordinateur un véritable centre épileptique.

À la nuit prochaine,
Tim.


Billet n°10
Nuit du 15 au 16 novembre 2020

P.S. Remerciements spéciaux à Edmund Mcmillen pour la création d’un jeu hors du commun, The Binding of Isaac. Mon confinement serait bien morose sans ce petit bébé rose.
Sans vouloir exagérer, Isaac, c’est une merveilleuse manière de colorer ta vie. Surtout en cette période de confinement.
Je te le conseille vivement. À consommer, bien sûr, avec modération.

Derrière cet article se trouve Timothée Cueff, auteur et poète slameur aux envies d’aventures. Depuis 2023, il parcourt la France et l’Europe en quête de poésie, à bord de son van aménagé, irys.

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