sans savoir où aller
Ce soir, j’ignore où aller.
Les mots ne me viennent pas et je ne cherche pas non plus à les rejoindre.
J’observe les détails qui se multiplient autour de moi, dans l’espoir de trouver un indice, une idée, un sujet sur lequel porter mon intention. Mais j’ai l’impression d’avoir tout dit, tout parcouru, tout photographié.
Les fleurs sur la table.
Les épines du sapin.
Les chaussettes de Noël.
Les lumières des guirlandes.
Les pochoirs sur les vitres.
Dans cette pièce, plus rien de nouveau à t’offrir.
Comme si le temps était venu de clore ces billets nocturnes.
Mais, désormais, la dernière semaine que j’espérais passer ainsi avec toi semble s’allonger. Et j’ai un peu peur, tu sais, de me répéter, d’écrire sans fluidité et de prendre encore et encore les mêmes photos. Je crains de tourner en rond dans cette pièce – déjà, je suis comme un casse-noisette dans sa boîte à musique silencieuse.
Je m’accroche au moindre détail qui change : la poussière en plus, l’emplacement de la télécommande, la vaisselle dans l’évier, les miettes de tabac et les jouets des chats. Observateur de mon propre espace, l’immobilité me pèse. Il est temps que les choses bougent, remuent, se bousculent, s’embrassent, s’étreignent et se dispersent.
Je te parlais des fourmis, il y a quelques nuits.
Ce soir, elles reviennent par milliers. Mais ce ne sont plus mes doigts qu’elles prennent en otages, c’est mon corps tout entier. Elles le tirent jusqu’à la porte, le poussent à sortir, puis le forcent à courir. Courir plus loin que vingt kilomètres, courir plus de trois heures, courir sans son téléphone ou sans papier dans la poche, courir nu même, courir sans avoir à attester quoique ce soit, courir sans culpabilité, courir sans défaut de responsabilité, courir jusqu’à tes bras, courir pour des retrouvailles, courir pour des embrassades, courir à gorge déployée, puis finir sa course ailleurs que sur ce pauvre canapé.
Chaque jour, l’assise ramollit et chaque soir, je le sens s’adapter davantage à ma morphologie.
Bientôt, je crois même que j’en ferai pleinement partie – assis dans l’assise, sans air, sans oxygène, sans contact, sans liberté.
Il est trop tôt, encore, pour rêver d’ailleurs.
Mais je crains qu’il soit trop tard pour retarder, un peu plus, la folie.
Elle est là, dans mes mots comme dans mon esprit.
La folie de vouloir autre chose que ma foutue santé et que ces quatre pauvres murs. La folie de chercher à se retrouver sans penser aux interdictions. La folie de penser à ces choses que personne n’ose dire. Et la folie de les écrire.
Paroles insensées, qu’ils disent.
Pourtant, ma folie, c’est à leurs paroles que je la dois.
Tendrement fou (et nocturne),
Tim.
Billet n°29
Nuit du 8 au 9 décembre 2020