sur les pas des cathares : de fanjeaux à lastours

Traverser les Pyrénées orientales, c’est s’engager en pays cathare. C’est marcher dans les traces de cette communauté religieuse résistante dont le passé marque, encore aujourd’hui, les paysages de l’Aude et de l’Ariège.

Des itinéraires, vous en trouverez des dizaines.
Le mien débute rue des Tisseyres, à Fanjeaux, et se termine sur les hauteurs des ruines des châteaux de Lastours.

Fanjeaux, bien qu’aujourd’hui peu connue des “parcours traditionnels” a eu, au Moyen-Âge, son ère de gloire. Un temps où cathares, catholiques, juifs, musulmans vivaient en harmonie, échangeaient des sourires lors du marché des tisserands, écoutaient les troubadours dans la cour du château, et soupiraient ensemble, sans persécution, ressentiment, ni querelles religieuses. À Fanjeaux, le mot “hérésie” n’avait pas sa place.

« Mon coeur s’emplit de bonheur et de joie, à cause de la tendre saison douce et à cause du château de Fanjeaux, qui me semble le paradis ; car amour et joie s’y enclosent, et tout ce qui convient à l’honneur, et courtoisie sincère et parfaite. »
— Pèire Vidal, troubadour.

Puis vinrent la croisade et les heures sanglantes de l’inquisition.
L’artiste Loïc Tellier les raconte, au travers d’oeuvres disposées aux quatre coins de la ville. Il reprend, quelque part, l’héritage artistique de la cité, avant que cette dernière n’accueille le quartier général de Simon de Montfort — déterminé à éradiquer les cathares de la région et de faire de cet espace de tolérance, le chef-lieu de sa violence.

En occitan, Montségur signifie “montagne sûre”. Elle l’est par sa situation — forteresse perchée au-dessus des nuages, et par la protection qu’elle accorda au peuple cathare.

Lorsque le pape crée l’inquisition, afin de poursuivre les massacres orchestrés par les croisés, le castrum de Montségur héberge des familles entières de réfugié·e·s. Des restes de leurs maisons de pierres façonnent encore le paysage du “pog”, sous les ruines silencieuses du château érigé après destruction du castrum, à l’issue de dix mois de siège face à l’armée royale.
Car comme tous les sanctuaires de la région, Montségur finit par tomber. Plus de deux cents personnes sont envoyées aux flammes, sur la plaine, au pied de la montagne. Cimetière que traversent aujourd’hui les visiteurs·euses — le Prat dels Cremats, le champ des brûlés.

Bienvenue à Quéribus, la dernière forteresse à tenir face au roi de France.
Figée sur son roc, elle en a vu des drames et des larmes, des soldats qui s’entretuent, et des hommes qui s’acharnent à conserver leur pouvoir au détriment de la vie d’autres.

Si le roi finit par la posséder, Quéribus est, en réalité, gouvernée par un seul élément : le vent. Le château est sans cesse confronté à sa force, que ce soit par la tramontane ou le vent du sud. Un vent si grand, parfois, qu’il manque de vous renverser.

C’est peut-être de ce vent que le seigneur Chabert de Barbaira, protecteur des cathares, tint son courage. Pendant dix ans, il continue d’offrir un refuge à toute personne soupçonnée d’hérésie. Et ce, sous le nez du roi et de l’église.
Si la citadelle finit par tomber, ce n’est d’ailleurs pas en raison d’un siège — comme toutes les autres, mais suite à la trahison d’un homme : Olivier de Termes.

Allongée sur près de trois cents mètres, cette “citadelle du vertige” culmine à huit cents mètres au-dessus du village de Duilhac. Depuis les rues étroites et pavées, il est difficile de deviner où le château commence et où la pierre se termine.
Pour cause, Peyrepertuse, en occitan, signifie “la roche percée”.

Si la main humaine lui a accordé sa forme finale, c’est bien la montagne qui lui a donné naissance. En effet, Peyrepertuse a directement été taillée dans la pierre, dans le seul but d’en faire un bastion défensif d’excellence.
La forteresse est un témoin de pouvoir. Ici, tout a été construit en double : enceinte, donjon, chapelle, logis, citerne… Et ce alors que le château n’accueille, au XIIIe siècle, qu’une trentaine de personnes.

Puissance, pourtant, ne signifie pas résistance. Bien qu’il est l’un des derniers à se rendre au pouvoir royal, le castrum de Peyrepertuse tombe après seulement trois jours de siège. La cause ? Guilhem de Peyrepertuse, voyant les cités cathares disparaître les unes après les autres, décide d’abandonner le château, sans tester, finalement, l’impénétrabilité de ses murs.

Si l’on évoque souvent le siège de Montségur, on parle peu de celui des Termes. Pourtant, lorsque Simon de Montfort s’installe au pied de la colline, Raimond de Termes refuse de céder.
Pendant des mois, il résiste aux attaques royales, sous la chaleur sèche de l’été. L’eau finit par manquer, et Raimond de Termes envisage, malgré lui, des négociations.
Au même moment, un orage éclate. Hélas, l’eau récoltée dans les citernes est polluée. L’ensemble des soldats et réfugié·e·s de Termes tombent malades. Celleux qui tentent de fuir sont massacrés.

« Lorsque l’on sut partout que Termes était tombé,
Les châteaux les plus forts furent abandonnés
Tout l’Albigeois tomba, sans un seul coup donné ! »
— Guilhem de Tudèle, troubadour.

En réalité, la révolte occitane continue sur plusieurs années, le castrum de Termes étant assiégé au début de la croisade, dès 1210. Sa fin, en revanche, précipite celles des autres.
Vous vous souvenez d’Olivier de Termes, responsable de la chute de Quéribus ? Il s’agit du fils de Raimond de Termes. Comme son père, Olivier lutte d’abord contre les croisés, avant de changer de camp, trahir ses terres, et rejoindre le pouvoir royal.

Dernière étape de ce périple en pays cathare, les châteaux de Lastours semblent dominer le monde. Les atteindre, c’est gravir l’équivalent de cinquante étages (rien que ça).
Ici, vous êtes invité·e à la fois au creux des nuages et au coeur de la terre. En effet, pas moins de quarante cavités occupent cette crête.
Sa géographie particulière a permis une alliance incroyable : celle de trois villages, trois castrums, trois seigneurs. Chacun à la pointe de leur rocher.

Comme de nombreux sites occitans, les castrums de Lastours protègent leurs habitant·e·s, peu importe leur croyance.
Lorsqu’en 1211, l’un des trois tombe aux mains de Simon de Montfort, son seigneur, Pierre-Roger de Cabaret s’assure que les cathares sont mis en sécurité, avant de céder le château au pouvoir royal. Dix ans plus tard, il parvient à le récupérer, et en fait un évêché cathare, à l’image de Montségur — lequel sombrera à nouveau, en 1229.

La résistance, pourtant, se poursuit. Malgré la destruction des castrums à la suite des croisades et l’instauration de seigneurs royaux à Lastours pour contrôler la population, la cité accueille clandestinement les cathares persécutés par l’église. Selon les archives de l’inquisition, les seigneurs royaux eux-mêmes assistent aux prêches.
Une révolte, finalement, qui tint près d’un siècle.

Des actes de rébellion occitane en faveur des cathares, on en dénombre beaucoup plus dans le paysage : Carcassonne, Puilaurens… Tant de lieux et de châteaux à découvrir lors d’un second voyage.

Sans oublier, bien sûr, d’ouvrir les yeux sur le reste. Sur les Pyrénées entières, ses rocs, ses forêts, ses rivières, et ses plaines — territoires d’amour, d’art, de tolérance, de luttes, de massacres, et de résistance.

  • Si vous souhaitez en découvrir davantage sur ces lieux d'histoire, voici quelques sources :

    • L'application "Pays Cathare", dont les ballades audios guideront vos visites.

    • Le Guide Secret du Pays Cathare, par Jean-Luc Aubarbier, pour découvrir le pays au travers d'anecdotes et de légendes.

    • L'Encyclopédie d'une résistance occitane, de Michel Roquebert : la bible cathare pour mieux comprendre leur religion et leur histoire.

    • Le site "Les Sites Pays Cathare" afin de préparer votre périple.

  • Vous voyagez en van ou en camping-car ? Suivez le guide !

    • Fanjeaux : aire de camping-car gratuite, avec accès à l'eau potable.

    • Montségur : parking de l'espace d'accueil des jeunes, au village (4€ la nuit + douche), ou parking du col, au pied du pog.

    • Quéribus : parking du château.

    • Peyrepertuse : aire de camping-car au parking P1, gratuite (eau coupée due aux sécheresses).

    • Termes : parking obligatoire, à l'entrée du village (eau potable près de la mairie).

    • Lastours : parking obligatoire à l'entrée du village.

    ATTENTION : Vous voyagez dans les Pyrénées. Les routes sont parfois étroites et les montées sont raides.
    Pensez à vérifier l'ouverture des cols si vous voyagez hors saison.
    Tous les espaces cités plus haut sont accessibles, mais plus votre véhicule sera grand, plus les manoeuvres seront compliquées. Mon van fait un peu moins de 6m de longueur, et je n'ai eu aucun mal à me garer (sauf aux Termes).
    Et bien sûr, merci de respecter les lieux qui vous accueillent.

Derrière cet article se trouve Timothée Cueff, auteur et poète slameur aux envies d’aventures. Depuis 2023, il parcourt la France et l’Europe en quête de poésie, à bord de son van aménagé, irys.

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